Mesurer les muscles

24-01-2008

Un nouvel appareil portable pour remplacer des techniques invasives d’évaluation du tissu musculaire, qui pourrait accélérer la recherche sur le traitement de la SLA.

Par Eric Bland

Une équipe de médecins, physiciens et d’ingénieurs basés dans la région de Boston est en train de développer un appareil de mesure (sonde) tenant dans la main qui mesure l’état du tissu musculaire d’un patient. Celle-ci devrait se révéler économique, plus rapide et précise ainsi que moins pénible que ses prédécesseurs. Cette sonde aidera les neurologues à diagnostiquer et suivre l’évolution des maladies neuromusculaires ; et pourrait accélérer le développement de traitements pour des maladies comme la SLA et la dystrophie musculaire. Cette sonde, qui mesure les propriétés électriques du muscle, devrait être disponible pour un usage clinique au début de l’année prochaine.

Pour l’instant, les médecins évaluent les muscles des patients en effectuant soit des mesures de force (les patients poussent ou tirent quelque chose) soit une technique appelée électromyographie. Les mesures de force, bien qu’efficaces, sont imprécises, et les résultats dépendent de la motivation du patient. En ce qui concerne l’électromyographie, un médecin ou un thérapeute formés insère des électrodes via des aiguilles à plusieurs endroits du muscle et effectue des mesures durant environ trois minutes chacune. Ce processus est inconfortable et prend en tout de vingt à trente minutes, pendant lesquelles le patient doit rester immobile.

Comme la nouvelle sonde utilise un signal électrique, elle est à la fois plus correcte et plus précise que les tests de force. « Cela produit une mesure quantitative complètement objective, » nous dit le professeur de physique émérite Carl Schiffman (Northeastern University), dont le travail sur l’impédance électrique avec Ronald Aaron a été l’une des sources d’inspiration du projet. « Le patient ne doit même pas coopérer pour une bonne mesure. » Et, à la différence de l’électromyographie, la nouvelle sonde n’est pas invasive et utilise une tension très faible. Son utilisation ne requiert que peu de formation, et produit une mesure en quelques secondes, plutôt que minutes.

Seward Rutkove, un neurologue au Centre Médical Beth Israël Deaconess de Boston, qui a supervisé le développement de la sonde, dit que l’électromyographie « n’est pas très performante pour juger de la faiblesse d’un muscle. Vous ne pouvez pas vraiment l’utiliser comme mesure de la sévérité du problème, ou de son évolution. » La nouvelle sonde, pense-t-il, va résoudre ce problème. Pour commencer, dit-il, elle sera utilisée en complément de l’électromyographie, mais dans certain cas – avec des enfants, par exemple, - elle pourrait la remplacer complètement.

La sonde est aussi relativement bon marché : le système complet, d’après Rutkove, va coûter entre 2000 et 5000 $ (1500 à 4000 €), à comparer avec le coût d’un électromyographe qui est entre 16 000 et 40 000 $.

Cet appareil utilise une technique appelée myographie d’impédance électrique (EIM). Il émet un faible courant alternatif qui change alors qu’il se déplace à travers du muscle. Un muscle ferme, en bonne santé est meilleur conducteur qu’un muscle atrophié, et la graisse est un isolant. La sonde mesure le courant à plusieurs endroits parallèlement et perpendiculairement à la fibre musculaire. Ensemble ces mesures fournissent une image détaillée de la condition du muscle.

Au cours de sept dernières années, Rutkove a utilisé l’EIM pour diagnostiquer et évaluer plus de 350 patients en utilisant des électrodes collées à la peau des patients, qu’il fallait déplacer pour chaque mesure.

Il travaille maintenant avec des ingénieurs du MIT pour rendre le système plus efficace, précis et portable. Le senseur du prototype du chercheur, duquel le courant est diffusé et détecté, est un circuit imprimé vert avec des circuits métalliques rayonnant autour du centre. Une boîte en plastique blanc loge des fils colorés connectés à des batteries, et un câble connecte cette boîte à un oscilloscope et à un générateur de signal. Les chercheurs travaillent à remplacer le câble et l’oscilloscope par une connexion USB standard vers un ordinateur portable ou, finalement, vers un PDA.

Quand la sonde EIM sera complètement fonctionnelle, cela ne devrait prendre que quelques secondes pour effectuer une mesure pour chaque muscle ; avec tout le processus ne prenant qu’une minute ou deux, d’après Roshni Cooper, un ingénieur étudiant de troisième cycle au MIT qui a travaillé sur la sonde ces sept derniers mois.

L’EIM est en particulier utile pour la surveillance de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). La SLA est une maladie dégénérative neuromusculaire dans laquelle les neurones qui contrôlent le mouvement des muscles se détériorent et finissent par mourir. Quand plus rien ne dit aux muscles quand se contracter, ceux-ci s’arrêtent, y compris les muscles pulmonaires et cardiaques.

Un patient atteint de SLA vit en moyenne entre trois et cinq ans. Des médicaments pour le traitement de la SLA sont en cours de développement, mais le meilleur test quantitatif de leur efficacité est dramatiquement évident : la durée de vie. Si, en moyenne, les patients prenant un médicament contre la SLA vivent plus longtemps que d’autres patients dans un groupe de contrôle, alors ce médicament est considéré efficace. Cette approche a des défauts : les patients du groupe de contrôle n’ont pas accès a un traitement qui pourrait les faire vivre plus longtemps ; et, comme la durée de vie se compte en général en années après le diagnostic, les résultats des études cliniques prennent longtemps pour être connus.

Les chercheurs espèrent que la technique de l’EIM puisse réduire le temps nécessaire à observer les effets d’un médicament. Des médicaments approuvés plus rapidement pourrait signifier une vie plus longue et plus active pour les patients SLA. D’après Schiffman, les médecins devraient observer « des évolutions dans les muscles des patients en quelques mois, plutôt qu’en quelques années. »

«Répeter ceux que les autres ont dit requiert de l’éducation ; remettre en cause requiert du génie »

Mary Pettibone Poole

 

Vertaling: Thierry Frere

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